Les prix des céréales peinent à se stabiliser
Malgré une accalmie géopolitique et une stabilisation de la parité entre l’euro et le dollar, les marchés agricoles restent orientés à la baisse, freinés par une faible demande pour les céréales françaises et des perspectives de production mondiales jugées rassurantes.
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L’actualité géopolitique se calme, l’euro se stabilise face au dollar mais les marchés agricoles peinent à retrouver de la stabilité. Pourquoi ? Parce que le manque de demande pour les céréales françaises et surtout les perspectives de production de blé, de maïs, d’orge ou de colza rassurent les opérateurs, pour l’heure, à l’échelle mondiale.
Tout reste cependant à faire et le mois de mai sera une nouvelle fois décisif pour les cultures comme pour les marchés. Cette période de risques climatiques peut encore réserver quelques surprises, mais le manque d’informations poussant les prix des grains à la hausse ne permet pas d’inverser la tendance baissière installée sur les marchés depuis près de 3 mois.
Un blé français en manque d’information haussière
Les prix du blé continuent de s’effriter avec un nouveau repli hebdomadaire de 2 €/t depuis le 26 avril 2025, pour revenir à 203 €/t en base juillet rendu Rouen pour la récolte 2025. Le marché tente de s’équilibrer à l’approche de la zone psychologique de 200 €/t. Il faut dire que l’actualité géopolitique se calme et la parité entre l’euro et le dollar se stabilise en dessous de 1,1400.
La période de négociation de 90 jours annoncée début avril par Donald Trump concernant les droits de douane américains, offre un léger répit aux opérateurs des marchés. Sur l’ancienne campagne, la faible activité portuaire et la fin de la période de mise en dépôt pour de nombreux producteurs ont entraîné la baisse des cours en avril. Si les prix mondiaux restent stables, et notamment en mer Noire, les regards se tournent du côté de la nouvelle campagne.
Les perspectives de production rassurent chez les principaux pays exportateurs. Les récentes pluies aux États-Unis permettent aux notations des cultures de passer de 45 % à 49 % des surfaces de blé d’hiver américain en bonnes ou excellentes conditions. Du côté de l’Europe, l’Allemagne a également bénéficié de bonnes pluies, mais le sec s’installe et les températures remontent en France. Le retour des précipitations sera également attendu en dans la région de la mer Noire, ainsi que dans le sud de la Russie, qu’en Ukraine ou dans l’est de la Roumanie.
Le mois de mai sera une nouvelle fois décisif à l’heure où la demande mondiale devrait rebondir pour la nouvelle campagne. Malgré l’amélioration des conditions climatiques au Maghreb, les importations mondiales sont attendues en hausse de 10 millions de tonnes par rapport à l’an passé, notamment en raison de la croissance démographique toujours importante et à l’important rationnement de la demande l’an passé.
Les cours des orges sous pression
L’orge fourragère ne parvient toujours pas à résister à la pression du complexe céréalier européen. Il faut dire que la scène macroéconomique se caractérise toujours par une parité élevée entre l’euro et le dollar, ne soutenant pas les cours sur le Vieux continent. Les éléments fondamentaux n’apportent pas non plus suffisamment d’incertitudes pour inverser la psychologie actuelle. Le ralentissement du commerce mondial sur la fin de campagne emmène les stocks de report d’orges en Australie et en Argentine sur des niveaux un peu plus élevés qu’attendu.
Dans le même temps, le risque climatique sur l’hémisphère nord est aujourd’hui moins important qu’il ne l’était un ou deux mois auparavant. Toutefois, ce repli des prix des orges hexagonales leur permet de regagner en compétitivité. Cela explique même pourquoi il est moins marqué que celui du blé, tant sur l’ancienne que sur la nouvelle campagne. En effet, sur l’exercice 2024-2025, la prime fourragère est remontée aux alentours de -12 €/t à Rouen contre -15 €/t précédemment, proche de ses plus hauts de campagne.
Plusieurs navires chargeaient à Rouen et La Pallice sur la dernière semaine d’avril. La Libye et l’Arabie Saoudite étaient les principales destinations, mais il y avait aussi des volumes pour le Portugal. Quant à la nouvelle campagne, la prime fourragère s’est légèrement améliorée passant de -20 à -18 €/t. Malgré tout, son prix cède 3 €/t sur les deux dernières semaines, en tombant à 186 €/t rendu Rouen.
La dynamique de la demande internationale sera intéressante à suivre au cours des prochains mois. Le maïs ukrainien ne peut quasiment plus répondre à la demande des acheteurs d’Afrique du Nord ou du Moyen-Orient, les stocks se vidant de plus en plus.
De leur côté, les cours brassicoles sont plongés dans le même marasme, également pénalisés par une demande qui peine à se dynamiser. Le prix de l’orge de printemps en récolte 2025 est désormais autour de 236 €/t FOB Creil, bien loin des 250 €/t traités entre novembre et février dernier. Au regard des dernières précipitations trop éparses, les conditions de culture françaises restent tout de même sous surveillance. D’ailleurs, Cereobs abaisse de 2 points à 82 % la part des orges de printemps en bon ou excellent état.
Des incertitudes sur la production ukrainienne de canola
De nombreuses interrogations entourent le marché du colza. Sur cette fin de campagne, les disponibilités en graines sont extrêmement limitées, que ce soit en Europe ou au Canada. Symbole de cette tension, le prix du canola canadien avoisine désormais les 700 CAD/t, près de ses plus hauts des onze derniers mois.
Pour autant, la situation pourrait être drastiquement différente en nouvelle campagne. En constante hausse ces dernières années, la dynamique de la trituration canadienne soulève quelques inquiétudes. Rappelons que la Chine a mis en place des taxes à l’importation de 100 % à l’encontre de l’huile et des tourteaux de canola canadiens.
À l’heure où s’ouvre la période des semis canadiens, il sera donc très intéressant de suivre la décision d’emblavement des agriculteurs nord-américains. Du côté de l’Ouest de l’Europe, la floraison des colzas rassure. La production européenne est ainsi revue en hausse, expliquant le récent et large écart de prix entre ancienne et nouvelle campagne. En récolte 2025, le colza FOB Moselle cède 8 €/t sur la semaine en chutant à 468 €/t.
Toutefois, malgré cette hausse attendue de la production européenne, les stocks de report de l’Europe des 28 devraient finir sous le seuil du 1 million de tonnes selon Argus. Ce qui conduirait encore le besoin d’importer en 2025-2026 à des niveaux élevés. Et la production d’un des principaux fournisseurs européens soulève de son côté quelques inquiétudes.
La sécheresse hivernale en Ukraine aurait incité certains producteurs à retourner les surfaces emblavées pour y replanter du tournesol. De plus, l’état des cultures inquiète dans le centre et le nord du pays. Les prochaines semaines seront cruciales. Face à ces éléments propres au colza/canola, le reste du complexe oléagineux ne fait pas preuve de tension.
Les tourteaux continuent de se replier, tandis que le marché des huiles végétales intègre la hausse de production progressive et saisonnière du palme en Asie du Sud-Est. Ces dernières sont de plus pénalisées par la faiblesse des prix du pétrole. Les craintes d’un ralentissement de la croissance économique se répercutent directement sur les perspectives de demande en pétrole.
Des bilans confortables attendus pour le soja lors de la nouvelle campagne
La tendance baissière est toujours bien en place sur le marché des tourteaux de soja, qui affiche un nouveau repli hebdomadaire de 5 €/t pour revenir à 344 €/t sur le spot délivré Montoir. Il faut dire que les bilans mondiaux de soja s’annoncent confortables dans les prochains mois. Les récoltes se poursuivent en Amérique du Sud. La hausse des surfaces et les bons retours de rendements permettent de confirmer la récolte brésilienne autour de 170 millions de tonnes, contre 155 millions de tonnes l’an dernier.
Les perspectives sont également rassurantes en Argentine, où les récoltes sont réalisées à hauteur de 24 %, légèrement en retard par rapport à la moyenne quinquennale. Les premiers retours permettent de confirmer la production de 49 millions de tonnes attendue par la Bourse de Buenos Aires et l’USDA, le ministère américain de l’Agriculture.
L’activité de trituration va continuer de s’accélérer en Amérique du Sud tandis que les semis de soja ont débuté aux États-Unis. Au 28 avril, 18 % des surfaces étaient semées, en avance de 12 % par rapport à leur moyenne quinquennale. Si les surfaces sont revues en baisse par rapport à l’an passé, le développement du soja américain sera à suivre jusqu’aux récoltes.
Les ventes de soja des États-Unis à l’exportation restent dynamiques, notamment à destination de l’Europe. Les relations commerciales restent incertaines. La période de 90 jours annoncée par Donald Trump offre un léger répit aux opérateurs du marché. Les importateurs européens en profitent pour constituer quelques réserves et les flux de soja et de tourteaux depuis les États-Unis vers l’Union Européenne restent dynamiques. À cela s’ajoute la fermeté de l’euro face au dollar, qui avantage les importateurs et vient également mettre la pression sur les prix en Europe.
À suivre : Négociations tarifaires avec les États-Unis, fermeté de la parité euro/dollar, évolution des ventes à l’exportation aux États-Unis, rythme des importations européennes (maïs, colza/canola), dynamisme de la demande mondiale de blé tendre, compétitivité du blé français, retour des pluies en mer Noire et en France, conditions de culture du maïs Safrinha au Brésil, progression des récoltes de maïs et soja en Argentine, semis de maïs et soja aux États-Unis, début des semis de canola au Canada…
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